Streetart dans Beaubourg, Paris la nuit, insurrection anti-institution. J'avais choisi les murs faces aux galeries et voici pourquoi :
"Un cuisinier gastronomique cuisinant avec des produits surgelés, est-il toujours un cuisinier gastronomique ? L'artisan boulanger travaillant dans une grosse chaîne de fabrication industrielle de pains, peut-il encore se faire appeler artisan ? Le styliste de mode haute-couture qui design pour une marque de prêt à porter, est-il toujours en train de réaliser de la haute-couture ? Et dans le même cheminement sémantique, le street artiste déclinant ses pochoirs sur des toiles pour les proposer aux galeristes, fait-il encore du streetart ?
"Un cuisinier gastronomique cuisinant avec des produits surgelés, est-il toujours un cuisinier gastronomique ? L'artisan boulanger travaillant dans une grosse chaîne de fabrication industrielle de pains, peut-il encore se faire appeler artisan ? Le styliste de mode haute-couture qui design pour une marque de prêt à porter, est-il toujours en train de réaliser de la haute-couture ? Et dans le même cheminement sémantique, le street artiste déclinant ses pochoirs sur des toiles pour les proposer aux galeristes, fait-il encore du streetart ?
Attention, pour
éviter toute confusion précisons d’emblée que l'artiste,
« streetarteur » ou non, a besoin de bouffer et de payer son dû à la
société comme n'importe quel citoyen et grand bien fasse à l'humain de
pouvoir vivre de ce qui le passionne. La galerie d'art n'est évidemment
pas l'unique structure marchande pour un artiste mais elle est un choix
accessible, dans la mesure où le galeriste est un honnête «commerçant».
D'ailleurs, gardons à l'esprit que la galerie d'art sera et restera
toujours un commerce d’œuvres « transportables », tout comme le musée
sera et restera toujours un lieu de conservation d’œuvres désignées
comme patrimoine et héritage d'un temps révolu. Partant de ce postulat,
comment peut-on retrouver du street art chez les galéristes ?
Afin
de répondre clairement à cette problématique, définissons d'abord la
discipline même du street art en dressant un bref historique et voyons
comment ce mouvement presque planétaire c'est popularisé jusqu'à être
récupéré par les institutions.
Le street art, ou
art de rue, est un mouvement d'art contemporain qui puise son idéologie
dans un temps pas si contemporain finalement, car son origine remonte aux premières grandes civilisations palatiales de l'antiquité grecque.
En gros, on a eu de l'art urbain dès qu'il y a eu des murs sur lesquels
les Hommes pouvaient s'exprimer et s'insurger contre le pouvoir en
place ( à lire l'article « De l'art pour et par le peuple » d'Achille
Morio dans L'ARTOCRATE web-fanzine : http://lartocrate.com/les-chroniques/les-occasionnelles/de-l-art-pour-et-par-le-peuple.html )
Il faut par contre
attendre les années 60 et la culture pop pour voir le street art devenir
un réel mouvement artistique, avec l'idée prépondérante de faire sortir l'art de la galerie et de l'intégrer à l'espace urbain,
afin d'une part de se réapproprier cet espace et d'autre part, dénoncer
une société consumériste. Le street art naît donc dans un contexte
culturel soixante-huitard, initié par l'expression d'une liberté de
faire et de penser, réclamée, revendiquée et hurlée par une jeunesse
existentialiste. C'est un mouvement interdisciplinaire, graffitis,
collages, pochoirs, peinture, mosaïque, installations, tout y passe tant
que l’œuvre s'intègre dans l'espace urbain, éphémère, et offerte
librement au regard d’autrui.
Lié à une notion de
liberté prise fasse à l’interdiction, le streetart est avant tout une
prise de position car sa pratique est illégale. Les street arteur
n'hésitent donc pas à dénoncer les dérives de la société à travers leurs
œuvres... L'acte en lui même étant déjà prise de position
anti-système, car il s’affranchit des lois et des réglementations de vie
commune. Nombreux sont les street artistes qui ont payé leurs « crimes » au fond de sombres cellules.
C'est avec l'arrivée
des années 80 que les galeries d'art commencent à s'intéresser au
phénomène. La galerie Agnes B à paris est la première à présenter en
1986 une expo de pochoirs. A partir de cet instant, c'est le retour au
mercantilisme observable jusqu'à aujourd'hui.
Le système institutionnel producteur du marché de l'art contemporain, utilise la contre-culture et se la réapproprie. L'art alternatif créé les mouvements, l'institution en vole les concepts et les capitalise. Et cela depuis trop longtemps.
Suite à ce constat, laissez-moi me positionner,
d'une part en tant que streetartiste œuvrant dans la rue et d'autre
part, en tant que plasticienne exposant en galerie (qu'elle soit
alternative ou institutionnelle).
Un
pochoir, un collage, une copie d'une œuvre urbaine réalisée sur une
toile N'EST PAS du street art. Une pièce sur toile est une œuvre de
chevalet, point. La galerie d'art UTILISE le mot street art pour attirer
le public curieux et consommateur mais gardez à l'esprit que la
reproduction d'une œuvre de street art sur un support déplaçable,
transportable et légal est une imposture.
Ceci n'est pas du street art de la même manière que la commande d'une
œuvre par une municipalité afin de la placer sur un rond point, n'est
pas du street art. Le street art c'est une prise de liberté et un
positionnement anti-galerie. Le street artiste a beau faire de l'art
urbain, s'il fait du pochoir sur toile, il fera de l'art de chevalet et
ça malgré sa prise de risque in city. E basta !"
Article initialement publié dans le web journal des urbains de Minuit le 03/11/2014, j'avais signé L'Urbain(e) Inconnu(e),aujourd'hui il est temps d'assumer ses idées non ?
PS: L'Article blog de ces collages date de 2013 et cette réécriture de 2015 est un remaniement.
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